L’enfant, la pie et les chats

goyaPortrait de Manuel Osorio
Francisco de Goya (1746-1828)
Huile sur toile, 127 x 101.6 cm
Metropolitan Museum, New York

Vous connaissez très certainement ce portrait par Goya ; pour tout vous dire, je ne l’ai découvert que récemment, par une copie chez un antiquaire, sans savoir qu’il s’agissait de la reproduction d’un chef-d’œuvre.

Très vite, l’œil est attiré par la tache de lumière au centre, peu naturelle, qui met en exergue le teint d’albâtre de l’enfant. Cette mise en scène donne au visage auréolé l’aspect d’un saint personnage – effet très certainement voulu par l’artiste, car il transcrit parfaitement la pureté et l’innocence du garçon. Le vermillon qui inonde son vêtement et ses joues contraste avec sa carnation presque translucide, pour faire de ce petit être une véritable poupée de porcelaine habillée d’étoffes précieuses. Son air candide, qui émane avec une force incroyable du tableau, est aidé par le détachement qu’il montre envers la pie sournoise.

Bien que la touche soit vaporeuse, les différents éléments sont traités avec une grande minutie. Voyez la douceur de ces petits souliers de satin, ces cheveux fins dans lesquels on aimerait enfouir son nez, et bien sûr le regard glouton des chats, qui apporte une dimension presque comique à la toile (le félin noir au fond est particulièrement cocasse).

On sent que le petit Manuel prend la pose, statique, alors que l’on pourrait s’attendre à ce qu’il soit concentré sur son jeu, en mouvement. Et c’est là que réside toute la force du tableau, car le peintre n’a pas cherché à traduire le réel par l’illusion, à savoir reconstituer une scène vivante à partir d’un modèle qui pose, mais véritablement à transcrire la scène telle quelle, jusque dans la naïveté et la maladresse de l’enfant. On aime à le voir si adorablement engoncé dans son costume.