La Tentation
Judith I, Gustav Klimt (1901)
Huile sur toile
84 x 42 cm
Österreichische Galerie Belvedere (Vienne)
Le choix de Judith I vous semblera certainement peu audacieux, et vous aurez raison. Mais au diable l’originalité, quand il s’agit d’émotion et de charme profond c’est toujours vers cette œuvre que je reviens.
Pour rappel, cette toile reprend l’iconographie biblique de Judith et Holopherne : Holopherne, général assyrien, envisage de détruire la ville de Bethulia où réside la très belle Judith. Cette chaste veuve réussit à s’introduire dans le camp du militaire, le séduit, l’enivre, et profitant de sa faiblesse le décapite. On a aussi pu associer autrefois la jeune femme du tableau à Salomé, personnage du Nouveau Testament ayant demandé la tête de saint Jean-Baptiste à Hérode lors d’un banquet.
Klimt situe la scène dans un contexte proche de la vérité historique : en effet, son arrière-plan est une citation directe des orthostates (ici, de grandes dalles de pierre sculptées en bas-relief) du palais de Sennachérib, empereur assyrien du VIIe siècle avant- J.-C.
On peut sentir au premier regard que l’artiste n’a pas choisi de représenter une héroïne pieuse comme le voudrait le texte, mais une véritable femme fatale. La bouche entrouverte, les paupières à demi closes, elle semble ressentir du plaisir à tenir cette tête entre les mains, les ongles plantés dans son cuir chevelu. Elle nous éblouit par sa confiance, par le défi qu’elle lance au spectateur en lui exposant un corps d’albâtre qu’il sait inaccessible. Les superbes parures rehaussées d’or et la tunique découvrant largement sa poitrine nous montrent une Judith époustouflante, à mi-chemin entre luxe et luxure.
Le brun profond de sa chevelure, en accord avec celle du général, répond au phénotype oriental ; on peut cependant déceler dans le contraste qu’il offre avec la peau très blanche de la belle une indication de son caractère de pècheresse, du mal qui sommeille en elle. Une vision bien audacieuse pour l’Autriche du début de siècle…
Louise