Les Dessous
Gustave Caillebotte, Raboteurs de parquet, 1875
Huile sur toile, 1.02 x 1.47 m
Musée d’Orsay
L’intérieur bourgeois du XIXe siècle vous a certainement déjà fait rêver de par ses pampilles, moulures et autres boiseries. Qui refuserait une sieste (avec ou sans la jeune Marie dénudée, à vous de voir) dans le lit du Rolla d’Henri Gervex, sous un baldaquin céleste, les pieds accueillis au réveil par un épais tapis d’Orient ?
Mais ce mélange de délicatesse et de raffinement, bien loin de la triviale réalité de la majorité de la population de l’époque, peut parfois s’avérer surfait. Gustave Caillebotte décide ainsi de s’intéresser à la face cachée de ces appartements merveilleux, en s’attachant à représenter des raboteurs de parquet en plein travail dans son intérieur.
Le torse nu, une bouteille de vin et un gobelet à proximité, les ouvriers s’affairent dans la pièce sans préoccupation aucune de l’étiquette qui doit régir habituellement le lieu. Les gestes sont exacts, naturels et très alertes ; on écoute les deux ouvriers de droite discuter, couvrant le bruit grinçant des rabots râpant la surface du plancher. Le cadrage, coupant nettement certains éléments du tableau, rehausse l’impression de mouvement et de tranquille agitation qui règne sur la scène.
La lumière pâle et douce qui se répand depuis la fenêtre caresse les musculatures et donne lieu à un clair-obscur caravagesque, modelant les corps d’une manière sculpturale, presque violente. Mais c’est sans compter sur l’atmosphère mélancolique qu’apporte la palette chromatique chaude et limitée du peintre. Plusieurs notions émergent ainsi de la composition, toutes plus ou moins liées : la complicité, la tendre nostalgie, l’honnête simplicité.
C’est finalement un regard assez détaché que nous offre ici Caillebotte ; comme s’il avait eu pour volonté de capturer une impression plus que de faire de sa toile un manifeste social et politique.
Louise