La Gourmandise
Singes et perroquet auprès d’une corbeille de fruits, Frans Snyders
Vers 1630/40
Musée du Louvre
Nous voici devant l’une des nombreuses productions de Frans Snyders, flamand spécialiste du genre et grand peintre animalier qu’employait régulièrement Rubens (rien que ça) pour peindre fleurs, fruits et faune dans ses œuvres.
La scène s’organise autour d’une grande corbeille d’osier débordant de fruits, placée sur la droite, vers laquelle convergent pattes et becs voleurs de deux singes et d’un perroquet. Au premier plan, la nappe carmin recueille les stigmates de cette course à la gloutonnerie : débris de vaisselle, restes de coques et de feuilles séchées…
L’assiette de fraises des bois, perles charnues et acidulées, annonce déjà la somptueuse montagne de pépites rouges que dressera Chardin en 1761 dans son Panier de Fraises. La porcelaine de Chine, traditionnelle dans son décor blanc et bleu, rappelle l’importance de ce matériau à l’époque, et la fascination qu’elle exerçait sur les Européens. On sait d’ailleurs que les pays d’Europe du Nord en étaient friands, puisque les Hollandais commandaient aux céramistes Chinois des pièces destinées spécifiquement à l’exportation, nommées kraakporselein, du nom des navires marchands les transportant.
Apologie du luxe, de l’exotisme, cette toile en est également la critique : comme souvent dans le domaine de la nature morte, la composition évoque le passage du temps et la vanité humaine. Snyders dresse cette toile comme un champ de bataille : en représentant un plat de porcelaine raffiné, finalement brisé dans la chute d’une aiguière métallique, et quelques fruits dont l’enveloppe commence à pourrir, l’artiste semble montrer comme tout éclat est éphémère. Les animaux et la cruche d’orfèvrerie, « vainqueurs » face à cette fragilité, n’ont pour autant rien d’admirable : alors que les premiers s’empiffrent et se disputent aveuglément, la seconde, couchée sur la table, n’offre plus à voir qu’une carcasse affalée.
Mais par cette oeuvre, modeste, le peintre nous propose avant tout un morceau de vie, délectable de réalisme et d’anecdotes savoureuses. Formes, couleurs, matières… tout s’y mêle avec bonheur.
Louise
Super article.
Je ne suis pas en art mais j’ai énormément de cours d’histoire de l’art et d’analyse d’oeuvre à la fac. Et je trouve ça tellement intéressant !
Merci pour ce très bel article 🙂
Merci beaucoup! Je trouve que les analyses d’oeuvres en cours permettent vraiment d’apprécier les toiles (ou autre) sous un autre angle, c’est super que vous puissiez en avoir à la fac sans être dans l’art!
Oui c’est exactement ça ! On voit l’oeuvre différemment, du coup, on l’apprécie d’avantage.
Oui les cours d’arts son très intéressants ! Cela permet de passer un certain diplôme tout en ayant une sensibilité artistique. Ces cours ne plaisent pas à tout le monde mais moi je trouve ça très bien et très enrichissant. Je n’ai pas étudié cette oeuvre ci mais je trouve ça super que vous partagiez vos connaissances de l’école du louvre sur votre blog 🙂
C’est gentil ! Je me permets juste de préciser que ce ne sont (généralement) pas des oeuvres vues en cours que je « décrypte » à ma façon, pour éviter d’être trop influencée par un discours pré-établi. Encore merci de votre témoignage
!