Basia Bulat x JBMT

Je beurre ma tartine a eu la chance de rencontrer lors de son passage à la Flèche d’Or Basia Bulat, jeune chanteuse canadienne au talent aussi sûr que notre confiture est pure sucre. En plus d’être une musicienne impressionnante (Basia joue du piano, de l’auto-harpe, de la guitare, aussi d’un petit instrument qui s’appelle le charango, venu de l’Amérique du Sud), c’est une artiste très attachante.

On vous encourage donc à aller la voir sur scène pour écouter cette voix singulière et ces belles mélodies qui vous feront voyager. Et en attendant, on vous invite à écouter cet album enchanteur qu’est Tall tall shadow tout en lisant ces quelques mots échangés avec elle.

________________________________________________

Bonjour Basia, 

A l’écoute de ton nouvel album, on trouve des ambiances assez différentes d’une chanson à l’autre, tu utilises des instruments inattendus. Quels sont les styles musicaux qui t’inspirent le plus ?

Question difficile, parce que je crois que j’ai grandi du temps des mixtapes, cassettes… Pour moi, c’était toujours mélangé. J’aime d’ailleurs beaucoup les groupes qui jouent dans les genres différents, comme les Talking Heads, Harry Nilsson ou David Bowie.

Qu’est ce que cela représente pour toi de jouer à Paris ?

J’avais déjà joué dans cette ville pour la Fête de la Musique et quelques premières parties, mais il s’agit de mon premier concert en tant que tête d’affiche à Paris, donc c’est très important pour moi. Et puis cet album a été écrit après le décès d’une personne très proche, j’ai eu des histoires personnelles ici, donc jouer là est quelque chose de très fort pour moi. Paris m’inspire beaucoup ; on y trouve tout un monde de musique, de chanson française, de littérature aussi.

Tu penses à certaines personnes en particulier ?

Pour moi, la chanson française commence avec Edith Piaf, puis ensuite les Yéyés : France Gall, Françoise Hardy… Leurs mélodies chantées sont fortes, même si elles peuvent paraître un peu naïves au début. En ce moment, j’explore vraiment cet univers.

Tu as évoqué cette période difficile pendant laquelle tu as écrit cet album, c’est quelque chose d’éprouvant que d’emmener ces chansons en tournée ?

J’ai composé cet album parce que je voulais faire quelque chose qui puisse me donner la force de continuer. Pour mes amis, ma famille, le public aussi, que ces chansons peuvent peut-être aider (en tout cas je l’espère). Donc c’est un processus à la fois simple et compliqué, je pense que c’est bon pour moi de faire ça.
J’ai aussi trouvé beaucoup de réconfort dans des musiques soul, gospel, dont les chansons parlent souvent de choses très dures. En chantant ces difficultés, je pense qu’on arrive à mieux les surmonter.

Et est-ce qu’il est plus facile d’écrire quand on est triste, du coup ?

Non ! (rires) Je ne dois pas y penser quand je commence à écrire. C’est un processus qui consiste presque à m’observer moi-même : je ne suis pas distante de ça, parce que je le vis, mais je suis aussi comme à l’extérieur de moi. Et si l’on est trop triste, on n’arrive pas à écrire ; c’est un état difficile à décrire en fait ! Quand je commence à composer, ça sort de l’arrière de ma tête, je ne peux pas vraiment le contrôler.

Comment fonctionne ton mode de création ? Qu’est-ce qui te vient en premier, la mélodie ou les paroles ?

Mon processus de création est assez inconscient. J’aimerais avoir plus de contrôle sur ça d’ailleurs, c’est vraiment mystérieux. De temps en temps, les paroles arrivent d’abord, mais la plupart du temps je crée la mélodie et si je cherche, les paroles viennent, se suggèrent. Une fois, tout est venu d’un coup à mon réveil, c’était assez fou.
Il y a une super phrase de Neil Young dans ses mémoires, où il affirme qu’au moment de la création, si vous êtes sur un cheval, il ne faut pas lui dire où vous souhaitez aller, mais le laisser faire, il vous guidera. Et quand j’ai lu ça, je me suis dit que c’était exactement la même chose pour moi !


Quelles sont les choses qui te plaisent le plus dans ta tournée en Europe, et celles que tu aimes le moins ?

Ce que j’aime le moins, c’est d’être trop loin de ma famille, de mon cham – on dit ça aussi en France ? C’est la « blonde » au masculin au Québec. Ce que j’aime le plus, ce sont les concerts, la scène en général, et le fait que chaque soir est différent même si l’on fait les mêmes chansons, parfois dans le même ordre. Ca varie en fonction de l’énergie du public, de la salle… Ici c’est très cool par exemple, la Flèche d’or est ancienne gare, on voit les rails par la fenêtre.

Tes musiques évoquent de grands espaces, des ambiances… Si tu devais choisir de faire la BO d’un film, avec qui travaillerais-tu ?

J’aimerais beaucoup faire ça, même si je n’ai pas encore assez de notoriété ! Il y a une réalisatrice canadienne que j’aime beaucoup, Sarah Polley. Elle vient de Toronto, ma ville, et selon moi elle est toujours inspirante. Elle a fait des films très différents mais très intéressants, dont le dernier s’appelle Stories we tell ; réalisé à la manière d’un documentaire, il raconte comment elle a connu son père biologique. La musique est parfaite d’ailleurs, mais si je pouvais travailler avec quelqu’un dans le cinéma ce serait bien elle !

Tu as collaboré avec Mark Lawson et Tim Kingsbury d’Arcade Fire, ils ont la grosse tête ?

(rires) Non, ils ont des têtes de papier mâché mais ils sont très chouettes. Ce sont des gars très ouverts, généreux et sincères, ils sont comme mes frères, d’un grand soutien, savent aussi rire et se moquer de moi quand il le faut !

Comment s’est faite cette collaboration?

Tim a joué de la basse sur mon deuxième album [Heart of My Own, 2010], donc nous sommes amis depuis plusieurs années maintenant. La collaboration s’est faite très naturellement, je crois qu’on était dans un café quand il m’a lancé : « Eh, je pourrais venir jouer sur une chanson, on devrait essayer quelque chose ensemble ».  Pour ce nouvel album, j’ai laissé de côté certaines chansons que j’avais commencé à écrire avant que les choses changent dans ma vie. Je lui ai donc dit que je voulais vraiment recommencer à zéro, et il m’a aidé.

Dernière question : qu’écoutes-tu sur la route ?

Ça change toujours, mais en ce moment j’écoute l’album solo de Jim James, le chanteur de My Morning Jacket, Regions of light and sound of God. Sinon, une voix qui me calme beaucoup, c’est celle de Nina Simone : pour moi, sa musique fonctionne toujours, et elle a un répertoire très vaste. Parfait pour quand je prends l’avion, moi qui déteste ça !

Mille mercis !

Cécile Guarinoni