Daumier et la Seine
Grâce à l’équipe de Point Culture, nous avons pu assister à la présentation de l’exposition « Plages à Paris selon Daumier, Parisiens en Seine d’hier à demain » à la Maison de Balzac. Dans le cadre de l’évènement annuel de Paris Plages, le musée exploite son riche fonds d’œuvres signées de la main d’Honoré Daumier, grand caricaturiste politique et peintre du XIXe siècle, connu essentiellement pour ses « Personnalités du juste milieu » et le fameux rapprochement fait entre la tête de Louis-Philippe et une poire.
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Mais cette manifestation vise elle à mettre en lumière l’intérêt de l’artiste pour les scènes de vie, celle des petites gens parisiennes, croquées avec humour et justesse. L’eau étant une ressource primordiale pour la majorité des habitants de la capitale, la Seine s’est dès lors imposée comme un thème central dans le travail de Daumier.
Ce qu’a avant tout voulu montrer ici Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac, c’est l’intemporalité de l’œuvre du caricaturiste : ne nous retrouvons-nous pas dans les scènes de baignade, ne rions-nous pas face aux mêmes situations cocasses, ne sommes-nous pas ces badauds rassemblés autour d’un évènement sans intérêt ?
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Le Vieux pêcheur, lithographie, Honoré Daumier, Le Charivari 10 juillet 1841, Paris, Maison de Balzac. © Maison de Balzac / Roger-Viollet.
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En parallèle, l’exposition a pour volonté de témoigner de ce qu’était la Seine dans la première moitié du XIXe siècle : un lieu de vie, d’échange et de loisir, aux berges de sable peuplées de troupeaux venant s’abreuver. C’est en cela que l’évènement fait le lien avec Paris Plages : est-il encore possible d’imaginer une telle exploitation du fleuve de nos jours ? N’est-il pas temps, demande Yves Gagneux, de « rendre la Seine aux Parisiens » ?
Il faut avouer que les quatre petites salles dédiées à l’exposition séduisent moins pour les problématiques qu’elles soulèvent que pour la véritable plongée (pardonnez le piètre jeu de mots) qu’elles offrent au cœur du quotidien des classes moyennes dans les années 1840. Les explications du directeur du lieu n’y sont pas pour rien : visiblement passionné et passionnant, il a su rendre toute leur vigueur aux gravures de Daumier. De même, les textes au mur nous aiguillent, rappelant par exemple qu’il était alors interdit de se baigner à Paris hors des espaces clos destinés à cet effet, car il était monnaie courante de s’immerger en tenue d’Adam – ce que l’on ne voulait infliger au regard des chastes dames…
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La Leçon à sec, lithographie, Honoré Daumier, Le Charivari 30-31 mai 1841, Paris, Maison de Balzac. © Maison de Balzac / Roger-Viollet.
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Toutes ces situations sont immortalisées sur une quarantaine de lithographies directement réalisées au revers des feuilles imprimées du Charivari, gage d’authenticité. En effet, les pierres servant de matrice pour la gravure (à la manière d’un tampon encré) étaient d’abord propriété du journal, puis revendues et appliquées sur des pages vierges. Cette première utilisation explique la qualité remarquable du trait, du grain mais aussi des noirs rendus ici, justifiant à eux seuls le nom de « dessin sur pierre » que l’on attribue à la technique.
Plages à Paris selon Daumier, Parisiens en Seine d’hier à demain
Du 20 juin au 28 septembre 2014 à la Maison de Balzac
47, rue Raynouard 75016 Paris
Tél : 01-55-74-41-80 / Fax : 01-45-25-19-22
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h sauf jours fériés
Plein tarif : 5€ Tarifs réduits : 3,50 et 2,50€ Gratuit jusqu’à 13 ans inclus
Visites-conférences pour les adultes, durée : 1h15 sans réservation, dans la limite des places disponibles
Plus d’infos : http://www.paris.fr/pratique/musees-expos/maison-de-balzac/p6837
Voici un thème d’exposition que j’attendais depuis longtemps! J’ai hâte de me précipiter au musée Balzac pour l’admirer.
Une petite remarque cependant sur la technique de la lithographie : elle ne fonctionne pas à « la manière du tampon » car la pierre n’est pas gravée. En fait, l’artiste dessine au crayon gras (ou au pinceau avec une encre grasse) sur la surface de la pierre. Elle est ensuite humidifiée puis encrée : l’encre étant grasse, elle est repoussée par l’eau et se concentre sur le trait, également gras. On imprime ainsi, et on recommence.
Les caricatures de Daumier étaient destinées à la presse, mais celle sur papier blanc sont tout aussi authentiques. En effet, après les tirages d’essai et parallèlement à l’impression des numéros du charivari, on tirait sur papier blanc les caricatures. Ces images étaient exposées dans la vitrine du charivari, où les badauds étaient nombreux à venir les admirer. Des amateurs les achetaient. Les impressions sur papier blanc coloriée à l’aquarelle se vendaient plus cher.
En général, l’éditeur possède un stock de pierres (cela coûte très cher) : l’illustrateur dessine dessus sa composition, on tire le journal, les tirages sur blanc puis on efface la pierre en la polissant pour la réutiliser immédiatement. C’est ce qui explique que si peu de matrices de litho aient été conservées.
Il ne pouvait donc qui avoir de tirages après coup.
Sur le marché de l’estampe, les tirages sur blanc ou coloriés sont les plus onéreux et les plus rares (compter une centaine d’euros ou plus), les tirages sur papier journal, plus courants sont vendus en général entre 15 et 60 euros.
Ce dont il faut se méfier ce sont les copies imprimées de façon numérique que l’on trouve souvent sur les quais de Seine : ils sont sur papier blanc, mais ont été réalisés comme des affiches!
Merci pour ces précisions ! Même si après les cours de cette année la technique de la lithographie était plutôt claire dans ma tête 😉 Mais tout le monde n’a pas fait une licence d’histoire de l’art, et si j’utilise la comparaison avec le principe du tampon – qui n’est pas totalement exacte -, c’est pour, je l’espère, permettre aux non initiés de saisir le procédé (matrice + transfert d’encre). Comme je l’ai expliqué, d’après les propos d’Yves Gagneux lui-même, l’important dans ce dernier paragraphe est le fait que le trait soit d’une très bonne qualité parce que nous sommes là face aux premiers exemplaires tirés. Je n’ai jamais dit que celles sur papier blanc n’étaient pas authentiques, seulement de moins bonne facture !