Edito: 2015, stupeur et tremblements

Louisiana museum, octobre 2015 © PORTÓN ESTUDIO
On ne va pas se mentir, 2015 n’aura pas été marquée par son insouciance et son climat allègre en général. Cette année, notre liberté d’expression a été touchée. Notre jeunesse. Notre diversité humaine et naturelle, sur le plan universel. Notre patrimoine même.
Cette année, nous avons appris la fragilité des fondations qui nous portent et les torts que nous tentons d’occulter. Nous avons appris que les défis s’écrivent au futur proche et que la misère n’est pas le monopole de l’autre bout de la planète. Nous avons eu peur, froid, nous avons pensé tolérance, égalité, durabilité, sans savoir véritablement où débutent et où s’achèvent ces principes. Nous avons appris que nous sommes tous responsables. Et que les frontières sont une artificialité humaine qui ne répond à aucune réalité.
Alors parfois, tout égoïstement, bien cachée derrière mon ordinateur dans la capitale française, je panique. J’observe ces médecins, ces journalistes, ces militaires se lever pour agir tandis que je demeure sur place, hagarde. Ceci n’est en rien un manifeste ou une quelconque pommade pour ma conscience.
Seulement ce matin, veille de Noël, je rencontrais cette dame avec laquelle je n’avais rien en commun. Pourtant, quand elle a su que j’étudiais l’histoire de l’art et la muséologie, elle a eu comme l’air de respirer après une apnée prolongée. Son visage s’est littéralement ouvert et détendu, fendu d’un large sourire.
Elle m’a dit « oh, si vous saviez, comme je me sens dans une salle de musée. En ce moment, j’ai tous ces soucis. Alors je prends le train de 6h du matin pour Paris, et je me réfugie au Quai Branly, au Grand Palais ou à l’Institut du Monde Arabe. Je regarde. Je voyage. J’échange. Puis tout va mieux. »
Et là, j’ai compris le sens de ce que je fais. De ce que l’on fait, modestement et certainement maladroitement, ici, chez Je beurre ma tartine. Vous le savez, on est des gosses, on découvre toutes ces choses en même temps que vous. On ne crée rien. On ne soigne pas. On se contente de diriger le regard.
Votre regard, quand on y parvient. Et après une conversation pareille, on se dit que ce n’est certainement pas assez, mais c’est déjà quelque chose. Aujourd’hui, j’ai réalisé pour la millième fois à quel point l’art et les musées sont aussi des trousses de secours. De Paris à Alep en passant par tous les points du globe. C’est une façon merveilleuse de s’ouvrir aux autres et de laisser sa sensibilité à découvert pour être mieux touché par ce qui nous entoure. Une façon, comme le disent Afshin Ghaffarian et Baptiste Pizzinat à propos de la performance, « non de résoudre, mais au moins de poser les questions qui concernent directement notre vie ».
Alors, malgré tout, on va persister.
Voilà un billet qui réchauffe le coeur et auquel j’adhère totalement! Merci!
Merci, ça compte beaucoup pour nous !
A reblogué ceci sur CultURIEUSEet a ajouté:
Le billet d’humeur du blog de Louise « Je Beurre Ma Tartine » qui exprime si bien ce que je pense…
Le beau est essentiel. On a la même sensation avec les animaux et la nature…
Joli billet
J’approuve complètement ton édito et le ressenti de cette dame.Je n’ai jamais autant ressenti le besoin de m’arracher de l’ambiance pesante de ces derniers mois en foulant les salles des antiques du Louvre, les collections du Quai Branly et du musée Guimet. Ces petites visites dans les salles sont un grand voyage pour l’esprit, et sont plus que jamais nécessaires. Tous au musée !
Très beau texte, je me reconnais bien dedans aussi. Une bonne continuation pour votre blog, en espérant que 2016 soit une année meilleure ! 🙂
Merci, c’est sûr qu’en tant qu’étudiante en histoire de l’art et blogueuse tu dois aussi certainement le ressentir de cette façon… On est d’attaque pour 2016 !
Je vous découvre ce jour via le partage de mon pote de Culturez vous et je dois vous avouer que vous avez su mettre des mots exacts sur ce que je pense des bienfaits de l’art et de la culture ! Merci ! A mon tour de partager ce billet sur ma page et je vais désormais suivre votre actualité 😉
Merci, ça nous fait chaud au coeur ! (et plein d’amour pour Culturez-vous)
Superbe cette tartine !!! De mon coté je me refugie dans la photo Ca me permet de rencontrer des gens De prendre du recul et de la hauteur
Merci pour ce texte
Segolene de maupeou
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Bonjour Louise : merci pour cette édito posé et réconfortant. Je me faisais cette semaine la réflexion suivante (étant de passage à Londres ) : oui je me sentais apaisé dans les musées londoniens : était-ce pour moi un refuge, un repli vers ou dans le passé ? Non, ces chefs d’œuvre du passé restent tous modernes et nous permettent d’avancer comme la luminosité des Tournesols de Van Gogh par exemple.. Gardez le cap ! Je vous lis toujours avec passion !
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